Les autres métiers de la mer

Le savoir-faire manuel des Paspéyas se déploie en de nombreux domaines. Charrons, charretiers, voiliers, cordiers, fabricants de briques se multiplient et participent à l’économie des pêches, créant des corps de métiers dont la tradition peut encore se faire sentir…

Les « blockmakers », ou fabricants de poulies

Les poulies de navire
Les poulies de navire étaient autrefois fabriquées au chantier naval Robin. Photo : Jeannot Bourdages, 2021. Site historique national de Paspébiac.

Les Hocquard dominent largement cette industrie, qui prend racine, sans surprise, dans la construction navale. Par ailleurs, Thomas Pye, lors de son voyage en Gaspésie en 1864, souligne l’importance des corps de métiers à Paspébiac :

« Ils [les Robin] ont aussi leur propre forge, leur voilerie, leurs fabricants de poulies, leurs gréeurs » (Thomas Pye, 1864, cité par Mario Mimeault).

Ces mêmes corps de métiers étaient présents dans les chantiers navals tout autour du Québec. Par exemple, la ville de Québec comportait de vastes chantiers navals qui créaient plusieurs emplois, dont ceux de « scieurs de long, charpentiers, menuisiers, calfats, forgerons, fabricants de cordes, de voiles, de poulies et autres ». Plusieurs usines ouvriront à Montréal pour assurer ce commerce. On trouve entre autres la James Clarke, Mast, Pump and Block Maker, qui produit des mâts, des pompes et des poulies pour les bateaux à voile.

À Paspébiac, c’est dans l’actuelle tonnellerie que l’on fabriquait de la peinture, des cordages et des poulies selon Jeannot Bourdages, conservateur du Site historique.

Bien qu’il n’y ait pas eu de moulin à eau ou à vent dans la ville, les poulies servent aussi à actionner la rotation de la roue. Est-il possible que l’expertise ait pu être exportée à l’international? Qu’elle serve à autre chose que la construction navale? En voici un exemple!

Crédit photo : Shane Hocquard. Système de poulies dans l'ancien magasin Robin, légué par sa famille.
BAnQ. Le magasin général Robin, Jones & Whitman (1906-1959).

Un système de poulies servait à actionner, dans le feu magasin Robin, Jones & Whitman, un plateau qui reliait les caisses (au rez-de-chaussée du magasin) aux bureaux de l’administration, au deuxième étage du magasin. En effet, ce système était notamment utilisé à des fins transactionnelles.

Selon Shane Hocquard, citoyen,

« Les gens plaçaient l’argent en papier dans la clip [le plateau], et les cents dans le cup, et envoyaient sur un cable à la cashier. Et elle vous renvoyait le change! »

 

Le saviez-vous?

L’atelier de fabrication de poulies se situait jadis à l’emplacement de l’actuelle tonnellerie!

Crédit photo: Site historique national de Paspébiac. Bâtiment servant aujourd'hui à l'interprétation du métier de tonnelier. Au 19e siècle, il servait plutôt à la fabrication des poulies, de la peinture et des cordages.
Quelques-uns de nos fabricants de poulies!

Viendrait de Jersey. En 1871, il a 55 ans et est également présent dix ans plus tard dans le recensement de 1881.

En 1871, John Hocquard fils a 30 ans.

Fabricant de poulies selon le recensement de 1881.

Fabricant de poulies selon le recensement de 1881.

Fabricant de poulies selon le recensement de 1871.

Fabricant de poulies selon le recensement de 1871.

Les tailleurs de pierre

Les tailleurs gaspésiens

Les tailleurs de pierre affluaient là où il y avait du commerce! Utiles dans le cadre de la construction navale, ils se font toutefois plutôt rares à Paspébiac. On peut toutefois présumer que ce métier était corolaire de la présence de chantiers maritimes, et l’on peut ainsi voir quelques tailleurs de pierre à Gaspé et à Paspébiac, entre autres. Puis, les besoins liés à la construction de chemins de fer amènent certains tailleurs de pierre à voyager dans la région de la Baie-des-Chaleurs, dont les marbriers Frédéric et Olivier Jacques. D’ailleurs, les tailleurs de pierre sont présents depuis longtemps dans la Baie : du côté du Nouveau-Brunswick, il existait même, en 1860, un trafic illicite de granit exploité par ces tailleurs!

Le développement des grandes carrières gaspésiennes (Augustin Dumas et Cie, etc.) contribuera à sauvegarder ce savoir-faire, et tout particulièrement dans la Haute-Gaspésie. À Rivière-à-Pierre, dans le comté de Portneuf, la croix de Gaspé est taillée en 1934 pour commémorer le 400e anniversaire de l’arrivée de Jacques Cartier à Gaspé. Tout près, à Mont-Louis, la présence de tailleurs de pierre est également remarquée. Plus près de nous encore, dans le parc de la Gaspésie, des tailleurs de pierre sont sollicités pour travailler dans la mine d’agates du mont Lyall.

 

Notre unique tailleur de pierre…

Tailleur de pierre selon le recensement de 1871.

Que faisait le tailleur de pierre? En quoi ce métier est-il rare, et particulièrement par ici? Voici quelques outils qui vous permettront de vous familiariser avec ce métier traditionnel.

Outils traditionnels pour la taille de la pierre.
Pour en savoir plus sur le métier
Crédit photo : ONF. Les tailleurs de pierre, un film de Léo Plamondon, 1980.

Capsule de la série Faites le plein d’art d’ici du Musée des métiers d’art du Québec mettant en vedette Alexandre Maquet, tailleur de pierre.

Capsule de la série Savoir-faire du Musée des métiers d’arts du Québec mettant en vedette Adrien Bobin, tailleur de pierre à l’île d’Orléans.

Capsule de la série Ensemble artisans du Musée des métiers d’art du Québec mettant en vedette Simon Larochelle, tailleur de pierre.

Les tonneliers

Des tonneliers sont présents au Québec dès le 17e siècle, mais dans notre coin de la Gaspésie, il faut plutôt attendre le 18e siècle. Une tradition de tonnellerie dans la Baie-des-Chaleurs est remarquée dès l’arrivée de Charles Robin, qui se fixe à Paspébiac pour faire le commerce de la morue, puis, un peu plus loin, avec les commerçants britanniques Shoolbred & Smith, près de Ristigouche, qui y fondent une industrie d’exportation du saumon. Des tonneliers sont aussi présents à Carleton et de manière ponctuelle aux abords de la baie. De manière générale, ce métier se pratique en regard de l’activité de construction navale. Les tonneliers construisent des barils et des boucaults destinés à l’exportation de produits de la pêche – et même d’alcool!

Or, la tonnellerie se développe aussi sous l’essor de nouvelles réglementations appliquées à la morue sèche. Dans son article intitulé Le rôle de la tonnellerie dans la réglementation de la pêche au début du XIXe siècle, Eileen Marcil écrit ceci :

« La tonnellerie avait toujours fait partie intégrante de l’industrie de la pêche, car on triait le poisson dans de larges cuves fabriquées par le tonnelier et on encaquait et transportait le poisson en baril. Les pêcheurs eux-mêmes se tenaient souvent debout dans de grands tonneaux pour s’abriter des éléments lorsqu’ils pêchaient en mer, et il arrivait fréquemment au tonnelier de faire partie de l’équipage d’un bateau de pêche pour veiller au bon état des récipients, pour monter ceux qu’on apportait en bottes15 et pour faire le fonçage, c’est-à-dire fermer les barils au fur et à mesure de la salaison et de l’empaquetage. Même si la loi n’exigeait pas que l’inspecteur de poisson et d’huile soit tonnelier, il lui fallait une bonne connaissance du métier à cause de la nature de son travail. Le tarif d’inspection stipulait clairement que les taux couvraient et comprenaient “la peine et les frais de tonnellerie que l’inspecteur pourra encourir dans l’exécution du devoir...” »

En 1823, l’Assemblée législative se dote de lois encadrant les standards d’hygiène pour la morue salée et séchée :

« Une réglementation particulière s’appliquait à la morue sèche. Il était stipulé que celle-ci serait embarillée sous la direction et en présence de l’inspecteur, dans des boucaults ou des quarts de chêne ayant des fonds de pin, d’épinette ou autre bois mou. La morue sèche de première qualité était désignée Madère et celle de qualité inférieure, Inde occidentale. On doit noter que les normes différaient à l’égard de la morue séchée au soleil et la morue saumurée et salée. On comptait trois classes de barils servant à l’exportation de la morue sèche. Les barils de la première classe mesuraient 42 pouces de longueur de douves, les fonds, 32 pouces de diamètre entre les extrémités, et ces récipients devaient contenir au moins huit quintaux de poisson. Ceux des deuxième et troisième classes mesuraient également 42 pouces de longueur, mais les diamètres des extrémités comptaient 28 et 22 pouces. Ils renfermaient respectivement au moins six et quatre quintaux. » (Eileen Marcil)

Puisque Paspébiac a représenté un port d’exportation central de la morue en Gaspésie, des tonneliers d’expertise sont requis. Identifiés sous le vocable de « Cooper », les tonneliers de Paspébiac utilisent des outils variés.

Puisque Paspébiac a représenté un port d’exportation de la morue central en Gaspésie, des tonneliers d’expertise sont requis. Identifiés sous le vocable de «Cooper», les tonneliers de Paspébiac  utilisent des outils variés.

Le tonnelier chez les Robin de Paspébiac
Liste des outils de tonnellerie de la compagnie Robin, 1904. Musée de la Gaspésie. Fonds Robin, Jones and Whitman. P8/1/4/8.

À Paspébiac, la compagnie Robin recrute visiblement ses tonneliers de plusieurs horizons différents. Jean B. Ringuette (probablement Jean-Baptiste Ringuette) et un dénommé Hilaire sont Canadiens-français, et William Smith, Canadien anglais. James Fagon provient de la Nouvelle-Écosse, James Scott est né au Canada, Alfred Gillard, Simon Webber et George Floneault sont dits de Jersey. Edouard Whittom serait du Québec. John Anson serait Danois. Ce métier, aujourd’hui disparu, a tout de même fleuri à Paspébiac au courant du 19e siècle. Sur le site historique du Banc-de-Pêche-de-Paspébiac, il y a, sans surprise, une tonnellerie.

Ce métier déclinera au courant du 20e siècle au profit de l’adoption d’emballages à l’aide de sacs de plastique.

Cercles métalliques servant à tenir les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Boucaults de transport de la morue identifiés à la compagnie Robin (CRC). Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Quelques modèles de tonneaux utilisés pour le transport par navire. Photo : Nelson Boisvert, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Pochoir servant à identifier les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Branches d'aulnes servant également à cercler les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Pochoir servant à identifier les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Pochoir servant à identifier les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Pochoir servant à identifier les tonneaux. Photo : Jeannot Bourdages, 2020. Site historique national de Paspébiac.
Le bâtiment

L’ancienne tonnellerie

L’ancienne tonnellerie se trouvait plutôt à l’emplacement actuel du stationnement d’Unipêche MDM. Selon Jeannot Bourdages :

« En 1870, sous la désignation de “Cooper Shop”, la tonnellerie était plutôt localisée à une trentaine de mètres au sud-est, dans le stationnement de l’actuelle usine Unipêche MDM. Le pilier de béton, qui subsiste encore aujourd’hui, était situé juste à côté. »

La tonnellerie actuelle a été utilisée au 20e siècle à titre de cook-room, pour loger et nourrir des employés de la compagnie. On y interprète depuis 2003 le métier de tonnelier.

Tonnellerie de la compagnie Robin, 1952. Photo : Bibliothèque et Archives Canada. PA-115824.
Nos tonneliers

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1861.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1871.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1871. Il serait Danois!

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1881.

Tonnelier à Paspébiac selon le recensement de 1881.

Pour en savoir plus sur le métier
Éloge du tonneau, article de Jean Provencher sur son blogue Les quatre saisons.
Photo : ONF. Les Boucaults, documentaire réalisé par Richard Gauthier, présentant le métier.

Capsule de la série Savoir-faire du Musée des métiers d’arts du Québec.

Les cordonniers

Le cordonnier revêt un double rôle en Gaspésie, alors que l’on fait parfois référence à ce terme pour désigner un corps de métier lié à l’industrie de la pêche. Selon l’historien Mario Mimeault, le cordonnier avait aussi l’importante mission de participer à la fabrication de voiles. Selon Roch Samson dans Pêcheurs et marchands de la baie de Gaspé au XIXe siècle, son rôle fait donc partie des premiers corps de métiers sollicités :

« Les grands établissements de pêche des compagnies nécessitaient les services de certains artisans en particulier pour la construction et l’entretien des bateaux de pêche et pour la fabrication de barils de poisson. Plusieurs tonneliers livraient des barils à William Hyman, et on retrouve toujours un compte de charpentier, de forgeron et de cordonnier chaque année. On voyait quelquefois des pêcheurs chargés de la confection et de la réparation de voiles et de filets, mais ils n’étaient pas identifiés spécifiquement comme artisans, ce travail étant effectué pendant l’hiver et au printemps. Certains artisans étaient également des producteurs de morue séchée. » (Roch Samson, 1978)

Le cordonnier pouvait aussi être appelé à construire des harnais pour chevaux, des colliers à chiens pour traîneaux et des mocassins pour les raquettes, comme le souligne l’historien Fabien Sinnett.

Évidemment, le cordonnier fabrique… des chaussures! Selon l’historien Jean-Marie-Fallu dans le numéro spécial du Magazine Gaspésie consacré à l’histoire du vêtement, le cordonnier verra son métier se généraliser de fil en aiguille. Avant celui-ci, c’est l’habitant qui assumait ce rôle :

« À défaut de compter sur un cordonnier, l’habitant – surtout sur le littoral nord de la péninsule – fabrique pour sa famille les chaussures et autres articles de cuir. La peau de bœuf ou de vache fournit un cuir résistant utilisé pour les dessus de chaussures. Le gros cuir provenant de la croupe du bœuf sert à la confection des semelles. En hiver, pour circuler le long de la côte sur la neige durcie ou la glace, on utilise une chaussure cloutée ou à crampons de fer. À la longue, chaque village pourra compter sur son cordonnier comme Clovis Essiambre de Carleton qui, de 1940 à 2000, a consacré 60 ans de sa vie à ce métier. » (Jean-Marie Fallu, 2016)

À Paspébiac, coup de chance : pas moins de 20 cordonniers se succèdent au fil des âges (et des recensements!).

Quelques-uns de nos cordonniers

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1861.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871. On le voit toujours en 1897.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1871.

Il est présent comme cordonnier selon le recensement de 1881.

Selon Sébastien Joseph, l’un des descendants de Léo Joseph, celui-ci aurait été cordonnier jusqu’à la fin des années 1960. L’hypothèse est confirmée par l’incorporation d’une société sociale intitulée «Club social de la plage de Paspébiac», en 1964, dont les signataires sont les suivants :

Gazette officielle de Québec, 21 mars 1964, no. 12

Voir son entrée dans «Nos incroyables citoyens».

Voir ci-haut

Un cordonnier de Paspébiac aurait vu le bateau fantôme de la baie des Chaleurs…

La voilerie

Liste des outils de voilerie de la compagnie Robin, 1904. Musée de la Gaspésie. Photo : Fonds Robin, Jones and Whitman. P8/1/4/8

Le seul fabriquant de voile connu est John E. Greenchin, condamné en 1833 pour un crime de nature inconnue.

La fabrication de roues de charrettes

Modèles de roues de charrettes en bois et métal. Photo : Jeannot Bourdages, 2019. Site historique national de Paspébiac.
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