Orphelinat agricole

Un orphelinat pour former de parfaits colons!

À Paspébiac, un orphelinat agricole sera en fonction de 1906 à environ 1915. Cet orphelinat, qui sert aussi à des fins de colonisation, vise à former de « petits colons » prêts à vivre une vie agricole au Québec. Bien que nous n’ayons pas tellement d’information sur cet établissement, nous savons qu’il a été l’objet d’une grande épopée!

Naissance de l’établissement

1906

De 1906 à 1911, une dénommée Marie Prévôtat dirige, avec un curé français, l’abbé Cramillon, un orphelinat agricole, soit un établissement voué à l’enseignement à la fois « catholique et agricole ». Tous deux arrivent directement de France. Dans la province, ces orphelinats sont mis sur pied un peu partout au service de la colonisation des régions rurales du Québec. Ils accueillent de jeunes orphelins québécois et français afin de leur donner une base d’éducation scientifique et catholique. L’orphelinat constitue en quelque sorte un lieu dans lequel le jeune orphelin apprend à devenir le « parfait colon ». De jeunes orphelins français sont ainsi invités à rejoindre Paspébiac, que Mlle Prévôtat décrit comme une « petite Nouvelle-France ». 

C’est ainsi que dans les Vastes champs offerts à la colonisation et à l’industrie : région de Bonaventure (Province de Québec) de 1907, on apprend que Marie Prévôtat acquit la « jolie propriété Le Bouthillier et y installa une école des frères ». Dans d’autres sources, on mentionne que l’orphelinat compte 300 ou 400 hectares, et des garçons de France y passeront 10 ou 12 ans avant de devenir des colons. Chacun des diplômés, à sa majorité, aura droit à 100 hectares de terre et à sa propriété, gracieuseté du gouvernement.

Cet orphelinat agricole se situe à l’ouest du barachois, en haut de la falaise, près de l’actuelle rue Day. Il s’agit en fait d’une maison appartenant aux Le Boutillier Brothers et dont l’existence aujourd’hui n’est pas certaine.

Dans le journal Le Canada daté du 15 mai 1906, un extrait narre le vol, à Montréal, d’une somme substantielle (6 000 francs, précisément) appartenant à « Mlle M. Prévôtat ». L’article indique que la jeune femme, « qui appartient à une riche famille française, fondatrice d’un orphelinat agricole, établi sous peu à Paspébiac, comté de Bonaventure, raconta qu’elle venait d’être la victime d’un vol considérable ». On mentionne que la famille Prévôtat avait amené avec elle de France quelques fermiers, qui serviraient d’instructeurs aux orphelins, et que Mlle Prévôtat était accompagnée de sa mère et de l’abbé Cramillon.

L’extrait ci-dessus provient des Vastes champs de 1907. On y décrit les fonctions d’un orphelinat.

1911

Mais les choses n’iront pas aussi bien que cela pour le jeune établissement. Moins de cinq ans plus tard, il est déjà menacé de fermeture. En effet, en 1911, Marie Prévostal est poursuivie par le Crédit foncier franco-canadien. Son lot de terre numéro 188 et sa maison sont vendus à la porte de l’église Notre-Dame de Paspébiac le 12 juillet 1911.

La même année, la Corporation de Paspébiac (possiblement la Ville) saisit un lot de terre dans le premier rang de Paspébiac, dans le canton de Cox, connu sous le numéro 511 du cadastre; des lots de terre dans le quatrième rang de Paspébiac connus sous les numéros 908 C et 908 D, avec leurs dépendances; puis deux acres de terre du côté ouest du lot numéro 908 B, avec les dépendances. La vente s’effectue à la porte de l’église paroissiale le 7 novembre 1911.

On peut comprendre que l’orphelinat est saisi à ce moment, même s’il semble toujours en fonction. Marie Prévôtat gardera toutefois des terres dans l’arrière-pays de Paspébiac.

1912

En 1912, dans les Débats de l’Assemblée législative, 12e législature, 4e session (9 janvier au 3 avril 1912), on trouve une mention fort intéressante de l’orphelinat agricole. Le député Prévost de Terrebonne aurait adressé une critique à la politique ministérielle qui, dit-il, « donne des pitances à ces institutions où se préparent des colons et qui versent par milliers et par millions l’argent de la province sur l’École des hautes études commerciales et la prison de Montréal. Le gouvernement ne subventionne pas comme il convient les orphelinats agricoles qui forment de futurs défricheurs du sol avec des orphelins ».

Cet extrait nous donne une bonne idée de la fonction de ces orphelinats dans un Québec alors très rural. Le député ira jusqu’à suggérer que le gouvernement encourage davantage les orphelinats agricoles pour que les orphelins de la province soient préparés à la colonisation « au lieu d’être élevés en ville et ne savoir où buter en entrant dans la lutte pour la vie ». De son côté, l’honorable M. Devlin, député de Nicolet, souligne qu’« en ce qui concerne l’orphelinat de Paspébiac, il n’a qu’un très petit nombre d’orphelins et ce nombre ne justifie pas un octroi plus élevé pour le moment ». L’octroi en question était une somme de 3 000 $, jugée insuffisante par le député Prévost.

1913

En 1913, les propriétés et les terres de Mlle Prévôtat font encore l’objet d’une vente par les shérifs.

1915

En 1915, le gouvernement fédéral octroie une aide de 400 $ à l’orphelinat Notre-Dame-des-Champs. Puis, il n’y a plus aucune mention de cet orphelinat ni de sa fermeture.

La possible maison Le Boutillier

Que sait-on sur l’emplacement de la maison Le Boutillier, qui serait devenue l’orphelinat agricole? Voyons cela de plus près.

Comme on peut le voir sur le plan de Murrison de 1870, à droite de l’actuelle rue Day, un terrain était détenu par Charles Robin, et un peu plus à l’ouest se trouvaient les terres des Le Boutillier Brothers.

Thomas Pye parlera de ces terres, en 1866, alors qu’il dira ceci :

« Sur la montée à gauche, on aperçoit la maison d’hiver et les bâtiments de ferme de la Le Boutillier Brothers. Plus loin à droite se trouvent la maison d’hiver et les dépendances de la Charles Robin and Co., avec, à l’arrière, l’église épiscopale. »

Il existait donc une Ferme Le Boutillier en plus d’une Ferme Robin!

Le lot no 188 en question, dans le canton de Cox, est celui que Marie Prévôtat se fera d’ailleurs saisir.

On le voit très bien dans ce plan de 1898 :

Dans les archives du cadastre foncier du Québec, on peut même voir une transaction qui lie les Le Boutillier Brothers à Marie Prévôtat en 1906!

Ce terrain no 188 coïncide aussi avec la maison suivante, bien qu’il soit possible que d’autres maisons aient existé sur le même lot. Mystère!

Des plantes près de l’orphelinat

Dans The Garden Journal (novembre-décembre 1958, vol. 8, no 6), on peut voir qu’il existe les plantes suivantes sur le terrain de l’orphelinat :

Sonchus arvensis glabrescens (laiteron des champs)
Melampyrum arvense (mélampyre linéaire)
Agrimonia gryposepala (aigremoine à sépales crochus)
Glaux maritima (glaux maritime)
Polygonum sagittatum (renouée sagittée)
Bromus inermis (brome inerme)
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